Je Refonde !
Pierre Alédifice, maire de Fond-à-Menteau, adresse à son tour une lettre à Cantines Responsables, une troisième voie pour faire face à l’urgence dans laquelle se trouve la restauration scolaire. Certains sont contraints à renoncer, certains parviennent à résister et d’autres, comme cette commune, remettent en question et repensent leur organisation pour assurer au mieux ce service public :
En tant qu’élu de terrain, j’ai envie de répondre aux deux maires dont j’ai lu avec intérêt et curiosité les lettres ouvertes sur le service de restauration collective. Au début de mon mandat (1998), je constatais chaque jour ou presque que la population se plaignait de la dégradation de la qualité des services que les pouvoirs publics – commune, intercommunalité, département, région, établissements publics, Etat – sont censés assurés. Aux moyens humains qui se réduisent comme peau de chagrin, il fallait ajouter l’augmentation des coûts des services, voire leur disparition.
Avec mes équipes communales, j’ai alors décidé de prendre ce sujet à bras le corps. Appuyés par un bureau d’études dans le cadre d’une mission de conseil, nous nous sommes interrogés sur les moyens requis pour qu’une commune comme la nôtre puisse assurer et préserver un service public digne de ce nom. Nous avons associé à ces réflexions la population, et réalisé des enquêtes sur les attentes de nos concitoyens, suivies de rencontres et de débats, tout cela appuyé par une communication locale permanente. Tout au long de nos travaux, nous sommes restés au plus près de nos concitoyens, en toute transparence. Avec eux, nous avons pu identifier les services publics importants voire indispensables à la vie de notre communauté.
Pour ne parler que de la restauration collective scolaire, même si ce service ne fonctionne que 150 jours par an pour nos enfants, même s’il ne représente sur notre territoire qu’à peine 5 % des besoins alimentaires de notre population, même s’il faut reconsidérer la question de l’éducation alimentaire, l’éveil aux goûts, auprès des parents et à la maison en priorité, ce service est fondamental pour nos concitoyens. Aujourd’hui, il est assuré par un prestataire qui fournit les repas pour les écoles, les crèches, le personnel municipal et à nos seniors en portage à domicile.
Dans ce cadre, notre nouvelle structuration des services repose sur une définition d’axes clairs précisant notre démarche, de façon transversale pour tous les services et plus spécifiquement pour chaque service. Voici trois axes prioritaires issus de nos réflexions qui concernent plus particulièrement la restauration collective :
Redonner une double dimension, sociale et sociétale, aux services publics assurés par la commune en les évaluant sous ce double prisme
La cuisine de notre prestataire est à 15 km de notre ville. On peut donc considérer que cette entreprise participe à l’emploi local même s’il profite à la majeure partie de notre intercommunalité.
Le service de restauration est très mobilisé pendant l’année scolaire (80 % de nos besoins) et connaît une véritable rupture pendant les vacances d’automne, d’hiver et de printemps. Pendant l’été, au moment du pic des productions agricoles, même avec les centres de vacances, ce service s’effondre. C’est pourquoi, nous avons demandé à notre prestataire de transformer ces productions légumières locales pour nous les mettre à disposition en hiver en les intégrant dans les menus scolaires. Parallèlement, nous avons, dans notre commune et au-delà, dans l’intercommunalité, avec l’aide du CIAS, recensé les populations précaires qui pourraient solliciter une aide sociale afin d’assurer leur besoin alimentaire quotidien : nous avons demandé à notre prestataire d’évaluer le coût de repas supplémentaires qu’il pourrait produire et de les mettre à disposition de ces populations. Ce service a de grandes chances d’ouvrir l’hiver prochain sur l’ensemble de la Communauté de communes. Il se pourrait qu’il soit plus efficace que les dispositifs actuels d’aide alimentaire sur lesquels nous n’avons, nous les communes, aucun retour ni aucune évaluation. Ainsi, notre prestataire assure ici un rôle social de long terme par son ancrage territorial.
Afficher et assumer le rôle d’autorité organisatrice assuré par la commune en matière de service public.
Nous avons identifié nos responsabilités. Et en ce qui concerne la restauration collective, même si nous achetons des repas préparés à une entreprise spécialisée, nous avons la responsabilité du cahier des charges édictant nos besoins et notre volonté des conditions d’exécution du service : emplois, approvisionnements, qualité, quantités, fréquences, etc., soit l’ensemble des éléments techniques et administratifs qui constituent, pour notre commune, le cadre de sa réalisation.
C’est seulement après une étude préalable détaillée sur les moyens humains dont nous disposons, nos besoins et les disponibilités produits sur le territoire, ainsi qu’une analyse financière précise du coût de ce service que nous avons décidé d’externaliser notre restauration, en soignant un cahier des charges précis et surtout réalisable pour un prestataire. Le choix et les négociations ont été d’autant facilités. Nous avons pu échanger en bonne compréhension et demander au prestataire de respecter les clauses que nous voulions voir respecter. Quitte à lui imposer des points-clé, nous lui avons demandé chaque année de faire monter en gamme les denrées servant à la préparation des repas, évidemment avec une contrepartie financière assise sur les performances de l’année précédente. Une part de la rémunération du prestataire est ainsi corrélée à la satisfaction des usagers et au respect des clauses contractuelles.
Identifier le coût complet de nos services publics
Nous avons pu identifier les coûts complets de chaque service assuré par la commune. A la suite des formations et du renouvellement de nos outils informatiques, nos équipes mettent en œuvre une comptabilité analytique permettant de mesurer l’efficience de nos services autant sur le plan social, économique et environnemental.
Pour la restauration collective, nous avons affecté des personnels communaux à ce service, imputé les charges d’investissement et de fonctionnement additionnées au coût d’achat des repas de notre prestataire afin de calculer le budget complet de ce service.
Ces analyses de coût précises nous ont permis d’améliorer le débat démocratique et son efficacité au sein du conseil municipal, en particulier concernant la prise en charge par le budget communal affecté à ce service, et la définition pertinente d’une grille de tarification sociale. Ainsi la commune prend en charge sur son budget 60 % des dépenses de l’ensemble de la restauration collective et laisse 40 % de cette charge aux usagers : le tarif de la 1ère tranche est de 1 € et la plus élevée de 6 €, ce qui est déjà non négligeable pour les familles.
Ce processus comporte d’autres points qui tiennent à cœur à notre conseil municipal. Pour assurer la qualité de nos services publics, nous avons identifié des indicateurs de performances simples qui parlent aux administrés et au personnel. Cela nous aide à mesurer leur évolution, en particulier dans le cadre de la restauration collective et du processus de progrès permanent que nous avons mis en place avec notre prestataire. Ces indicateurs nous permettent aussi de comparer avec d’autres collectivités l’efficacité de nos services de façon judicieuse et constructive. Le fait d’appréhender l’ensemble des éléments d’un service en en questionnant chacun des déterminants, du domaine social, économique et environnemental, nous permet d’impliquer les usagers non seulement sur la qualité du service, mais aussi dans sa gestion.
La mise en place de ces démarches procède d’une véritable volonté de conduite du changement de manière à accompagner tous nos agents, voire nos délégataires, dans la compréhension d’un intérêt commun et la mise en œuvre d’un nouveau mode de fonctionnement.
Toute notre équipe communale, ainsi que notre équipe de restauration, sont à votre disposition pour vous préciser en détails et concrètement ce que je me suis efforcé à résumer dans ce courrier.
Je vous remercie pour l’attention que vous porterez à mon courrier et vous prie d’agréer, à l’assurance de ma sincère volonté de faire progresser le service public.
A vos plumes !
Ce courrier relève aujourd’hui de la fiction, mais décrit bien l’engagement de certaines communes.
Dans ce contexte fictif, vous, maires, présidents de collectivité,institutionnels, cuisiniers et équipes de cuisine,fournisseurs, opérateurs, parents d’élèves, que feriez-vous ?
Que répondez-vous à cette missive qui signe la détermination d’un élu à assurer et améliorer le service public de restauration scolaire ?
Réagissez sous cet article u en vous adressant à
contact@cantinesresponsables.org.
Relisez les lettres précédentes
Je Renonce – par Jean Aymard, maire de Planqué-les-Gamelles : « Je vous annonce donc qu’en accord avec le conseil municipal, JE RENONCE à assurer le service de la restauration scolaire à partir de la rentrée prochaine ! »
Je Résiste ! – par Renée Gossions, maire de Reveillencourt : « Je tiens à ce que ce service public de la restauration scolaire soit exemplaire. »