Je Renonce… au service de la restauration scolaire !
Face à la crise sanitaire, à l’inflation galopante et aux difficultés qui s’accumulent, le maire Jean Aymard se voit forcé à prendre cette décision. Il revient sur les raisons qui l’y ont poussé dans la lettre suivante…
Lettre à mes très cher.e.s administré.e.s, à mes très cher.e.s concitoyen.ne.s, par le Maire de Planqué-les-Gamelles
« En ces heures de conflit et de crise sanitaire, si je m’adresse à vous aujourd’hui, c’est pour vous avertir des difficultés que notre commune rencontre avec le service public de la restauration scolaire – une restauration sociale précieuse, généreuse mais onéreuse – car ce service est menacé depuis plusieurs mois, présageant la plus irréparable des catastrophes.
C’est à vous, mes cher.e.s administré.e.s, que je révèle cette triste réalité même si, bien avant les États généraux de l’alimentation de 2017, les lois EGAlim, AGEC, Climat et Résilience, nous avions pris en main de façon énergique la gestion de la restauration scolaire de notre commune. Dès 2018, nous nous étions engagés à réduire le gaspillage et avions réussi à le diminuer de 50 %. Depuis cette rentrée 2021, nous avions déjà dépassé les objectifs de la loi EGAlim en bio, en labels et autres produits de qualité et durables.
Bien que ce service public soit essentiel pour la commune, ses concitoyens et leurs enfants, la restauration scolaire est bien un service facultatif pour nos écoles et la commune n’a pas l’obligation de l’instituer. Or, pour Planqué-les-Gamelles ce service est devenu une gageure insurmontable.
Vous ignorez certainement tout de la situation critique dans laquelle se trouve la commune, mes cher.e.s administré.e.s. Si cela n’est pas de votre ressort, je dois néanmoins vous en informer : à qui d’autre pourrais-je dénoncer ce cadre contraint de la gestion d’une cantine scolaire, trop compliqué et maintenant trop dispendieux pour notre budget et pour celui des parents d’élèves. Voici quelques-unes des principales composantes et difficultés de la gestion d’une cantine scolaire : une réglementation sanitaire nécessaire mais parfois trop stricte, les recrutements, la formation et l’encadrement des équipes de cuisine, la mise en œuvre des objectifs de la loi EGAlim (garantir 50 % de produits de qualité et durables), le développement d’achats locaux et équitables pour nos agriculteurs, le respect des marchés publics, la gestion des déchets, la lutte contre le gaspillage et l’élimination du plastique…
Rendez-vous compte, nombre de contraintes et de réglementations auxquelles vient s’ajouter aujourd’hui une inflation galopante, qui ne cessent de complexifier l’organisation et le fonctionnement de la restauration scolaire, et tout cela pour 400 repas servis chaque jour de la semaine, exclusivement le midi, et seulement 150 jours par an…
Et face à moi, des parents d’élèves qui me prennent parfois pour un restaurateur ayant l’obligation de servir un menu de qualité, équilibré et durable pour un 1 €. J’ignore comment ceux qui se targuent de préparer un repas complet pour 2 € sont en mesure de respecter tous ces engagements et d’assurer également un juste revenu pour nos agriculteurs.
Pour notre part, nous assurons une prestation de repas à 6,10 €, auxquels s’ajoutent 2,40 € d’amortissements et de charges de fonctionnement. Pour un coût total de 8,20 € le repas, les parents payent entre 0,20 € et 5,50 €, selon la grille tarifaire basée sur le quotient familial – lorsqu’ils n’oublient pas de régler cette prestation. Vous comprendrez donc aisément, mes cher.e.s administré.e.s, que c’est la commune qui abonde à hauteur de 60 % sur son budget propre les recettes de ce service pour atteindre l’équilibre financier de la restauration scolaire communale !
Je n’évoquerai pas ici les investissements que nous devrons faire d’ici à trois ans dans la cuisine et la salle de restaurant pour répondre aux normes.
Pour nous, la restauration collective n’est pas en danger, elle va devoir s’arrêter !
Voilà donc, mes très cher.e.s administré.e.s, comment une absence de vision et une évaluation approximative pour la restauration scolaire en France au plus haut niveau politique, nous amènent, nous, une collectivité, à devoir arrêter ce service public et social, dès la rentrée prochaine.
L’histoire écrira peut-être qu’en 2022 les premières collectivités comme la nôtre ont commencé à se désengager, en arrêtant d’assurer ce service de restauration scolaire. Même si j’espère toujours au fond de moi que ce renoncement aura un effet inverse et pourra constituer un déclencheur qui amènerait nos pouvoirs publics à perfectionner et à revitaliser ce service social fondamental pour nos enfants et pour la vie quotidienne dans nos communes.
Veuillez agréer, mes très cher.e.s administré.e.s, l’assurance de ma sincère désolation et mon profond respect.
Jean Aymard,
Maire de Planqué-les-Gamelles »
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Ce courrier relève aujourd’hui de la fiction, mais ce constat pourrait décrire la réalité d’un avenir proche.
Dans ce contexte fictif, vous, maires, présidents de collectivité, institutionnels, cuisiniers et équipes de cuisine, fournisseurs, opérateurs, parents d’élèves, que feriez-vous ?
Que répondriez-vous à cette missive qui signe la renonciation d’un élu à l’exercice du service public de restauration scolaire ?
Réagissez sous cet article ou en vous adressant à contact@cantinesresponsables.org.
Et à lire prochainement, deux autres courriers : 4 juillet « Je résiste », 11 juillet « Je refonde ».
A la rentrée, nous vous donnerons rendez-vous afin de vous permettre d’interagir collectivement sur le sujet.