Je Résiste !
En réaction à la lettre du maire Jean Aymard, le maire de Reveillencourt, Renée Gossions prend à son tour la parole pour réaffirmer son engagement à assurer le service public de restauration scolaire malgré les coûts en hausse et les innombrables contraintes qui viennent avec :
Suite à la lettre de mon confrère qui déclare « renoncer » au service de la restauration scolaire, je vous écris car pour ma part, je résiste et n’abandonnerai jamais ce service public et social de la restauration scolaire. Oui, ce service pèse énormément sur le budget de notre commune, oui nous subissons une inflation sur les produits, sur l’énergie, les transports, mais oui, nous assurerons ce service coûte que coûte, pour nos concitoyens, les parents, les enfants, pour ceux qui sont issus de familles dans la précarité, mais aussi pour ces nombreux enfants qui n’ont point de repas équilibrés à la maison.
L’histoire récente et la crise sanitaire nous ont appris que la cantine constitue souvent le seul repas équilibré des enfants, et dans notre commune, les menus sont composés de bons produits locaux, des produits en grande majorité bio, de saison, des produits cuisinés avec passion par notre cheffe, Janine, et sa petite équipe.
Naturellement, en hiver, nous bataillons car c’est un peu plus difficile d’obtenir ces produits de saison, locaux et bio. Alors notre cheffe, avec beaucoup d’astuces et de talents, confectionne des repas en fonction des disponibilités, à base de lentilles, de choux, de navets, de potirons, de carottes, de pommes de terre, de poireaux. Et je souhaite ici remercier le travail de toute l’équipe de cuisine qui réussit tous les jours à varier les menus plaisirs !
En tant qu’édile de la commune de Reveillencourt, je tiens à ce que ce service public de la restauration scolaire soit exemplaire, tout en proposant une tarification sociale – la première tranche est à 0,8 € -, tout en préservant une cuisine sur place dans nos trois écoles, tout en développant l’approvisionnement local. Pour acheter de la qualité au plus juste prix, nous avons, avec la cheffe, trois personnes qui s’occupent des achats auprès de nos artisans et de nos agriculteurs.
Ces approvisionnements de proximité, de saison, souvent bio, concernent le pain, les légumes et quelques fruits (pommes, poires). Pour la viande (volailles, porc) et les produits laitiers, nous travaillons avec 3 éleveurs et une ferme qui réalise ses propres yaourts. La logistique est assurée par un prestataire qui roule avec un véhicule électrique et réalise pour nous une tournée chaque semaine. Nous avons toujours refusé les produits provenant de l’autre bout de la France et du monde. Pour le poisson, notre poissonnier fait un travail extraordinaire pour servir des bons poissons frais aux enfants au meilleur prix. Pour équilibrer le budget, nous faisons appel à lui seulement une à deux fois par mois. Il a ainsi le temps de prévoir même si parfois il nous propose du congelé.
Vous comprendrez par la franchise de mes propos que s’engager pour obtenir des produits de qualité entraîne un énorme travail de terrain, d’anticipation voire d’adaptation pour les équipes et un portefeuille souple. Avant nous réalisions des marchés d’approvisionnements avec un, maximum deux fournisseurs. Aujourd’hui, nous avons découpé notre marché en 49 lots et réalisons beaucoup d’achats de gré à gré. Le seuil de 40.000 € pour passer ces marchés de gré à gré nous permet beaucoup de souplesse, et surtout de servir notre objectif principal : développer au mieux notre économie locale. Même si cela nous coûte plus cher, nous avons des produits de qualité, locaux, de saison, et le plus souvent bio. Nos concitoyens le savent et sont pour la grande majorité très reconnaissants.
Depuis quelques années déjà, avant même notre élection aux dernières municipales de 2020, les équipes de la commune se sont engagées à traiter les biodéchets et nous espérons dans un avenir proche que ceux-ci serviront de compost pour nos futures productions de légumes. Notre conseil municipal a effectivement envisagé de récupérer des terres agricoles. Il a aussi décidé de créer un poulailler pour les enfants, mais avec la grippe aviaire nous avons préféré stopper ce projet. Nous avions un cochon, mais les services de la DDPP nous ont indiqué que nous ne pouvions pas le servir à nos enfants, une fois abattu.
Concernant le foncier, nous avons de nombreuses friches qui représentent quelques 11 Ha sur six lots. Nous envisageons d’acheter ces terres pour les valoriser en terres agricoles. Nous prévoyions soit de produire nous-mêmes, créant ainsi deux ou trois emplois agricoles, soit d’acheter toute la production de ces terres aux maraîchers qui souhaiteront s’en occuper, en leur garantissant une juste rémunération. Et comme le pic des productions est en plein été, au moment où nos écoles sont fermées, nous allons proposer d’investir dans la construction d’une légumerie qui transformera la récolte en délicieuses conserves. Vous voyez que l’on privilégie la qualité et le local à n’importe quel prix. Même si nous ne savons pas exactement ce que cela nous coûte, nous savons ce que cela apporte à notre population. Et nous ne transigerons pas sur la qualité de notre service public de la restauration scolaire.
Vous pouvez constater que notre volonté politique porte un véritable projet autour de ces questions alimentaires et nous engage à aller jusqu’au bout de ce projet.
Notre commune de Reveillencourt s’inscrit dès à présent dans une logique de développement durable. Et notre résistance à assurer le service public de la restauration scolaire, par une politique alimentaire forte, est fondamentale. Nous croyons à la souveraineté alimentaire de notre territoire et de la France.
Résister, chez nous ce n’est pas peu dire. Ici, à Reveillencourt, nous agissons et réveillons les consciences !
Renée Gossions, Maire de Reveillencourt
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Ce courrier relève aujourd’hui de la fiction, mais décrit bien l’engagement de certaines communes.
Dans ce contexte fictif, vous, maires, présidents de collectivité, institutionnels, cuisiniers et équipes de cuisine, fournisseurs, opérateurs, parents d’élèves, que feriez-vous ?
Que répondriez-vous à cette missive qui montre la détermination d’un élu à assurer le service public de restauration scolaire ?
Réagissez sous cet article ou en vous adressant à contact@cantinesresponsables.org.
Retrouvez la première lettre, celle du maire Jean Aymard qui renonce au service public de la restauration scolaire. Et à lire prochainement, un dernier courrier le 11 juillet : « Je refonde ».
A la rentrée, nous vous donnerons rendez-vous afin de vous permettre d’agir collectivement sur le sujet.