Vertus des concours culinaires
Quel message passe-t-on au travers des concours culinaires ? Y-a-t-il un intérêt à reproduire en restauration collective, avec moins de moyens et plus de contraintes, les concours gastronomiques ? Pourquoi chercher des Meilleurs Ouvriers de France, M.O.F., pour défendre l’image et la culture culinaire en collectivité ? Autant de questions auxquelles Richard Guyomard s’est attelé à répondre dans son mémoire de master 2 Management et ingénierie de la restauration collective soutenu cette année à l’ISTHIA de Toulouse et qu’il a bien voulu résumer ici pour L’Autre Cuisine.
Les concours sont à la fois une vitrine du savoir-faire de la profession et également un moyen de communication à portée nationale. En restauration collective, ils empruntent les mêmes codes et usages que leurs aînés gastronomiques. Les premiers ont vu le jour à la fin des années 90, comme « Chef de Vermeil », puis « Gargantua » et autres trophées Serbotel, Egast, à l’initiative d’associations, de salons, de fournisseurs ou de la presse professionnelle.
Entre 2000 et 2010, nous avons vu l’apparition de nouveaux concours organisés par des grandes marques de l’agroalimentaire. Comptant sur ce relais pour le développement de leurs gammes, leurs stratégies ont depuis évolué et la quasi-totalité de ces concours a disparu. Par contre, les sociétés de restauration ont de leur côté montré un fort dynamisme, en particulier ces dix dernières années. Levier de valorisation de leurs équipes, outil de Team Building, les SRC valorisent le travail de leur équipe, favorisant la gestion du stress, la cohésion et la solidarité des équipes. En 2015, l’armée s’est également inspirée de ces démarches en créant le concours du « Trident d’or ».
Véritable outil de management et de valorisation des personnels, les concours s’inscrivent alors dans une culture d’entreprise plus que dans la construction d’un parcours personnel. Les concours sont à présent bien ancrés dans les stratégies de formation et de communication de tous les groupes de restauration, associations, entreprises agroalimentaires ou administration, et à ce titre rencontrent un grand succès auprès des agents.
Si au départ, comme le signale Sylvie-Anne Mériot dans son livre Le cuisinier nostalgique, l’objectif des concours en restauration collective autogérée « sert à rassurer les chefs sur leurs aptitudes professionnelles », on assiste au fil des années et des éditions à une évolution des épreuves et des objectifs. Pour les chefs, les concours représentent une véritable vitrine du savoir-faire et savoir-être. Ils participent à l’hypermédiatisation de la profession ainsi qu’à l’attractivité de ses métiers. Ce parcours initiatique qui voit le candidat parfois devenir tour à tour jury, coach ou organisateur, est avant tout créateur de liens et de réseau professionnel. A travers mon expérience personnelle, j’ai ainsi pu explorer ces différents rôles qui m’apportent quotidiennement des leviers de stimulation vis-à-vis de mes équipes (voir encadré).
Au sein de mon équipe de cuisine, les raisons de participer à des concours étaient différentes pour chacun des membres que j’ai pu accompagner. Certains étaient en quête de légitimité, d’autres avaient le besoin de reprendre confiance en eux ou de reprendre goût à leur métier, après des expériences professionnelles quelquefois compliquées. D’un point de vue général, tous les candidats ont une bonne raison de se présenter à un concours, et un moment propice pour le réussir.
Aujourd’hui, plus en lien avec les préoccupations environnementales et sociétales, les concours en restauration collective se démarquent des concours gastronomiques. Ils semblent avoir trouvé leur raison d’être, évitant l’écueil de devenir des concours de gastronomie « à l’économie ». Rappelons que les concours en collectivités se distinguent par un barème de notations favorisant la technique au détriment de la dégustation. Pour exemple, le Gargantua réserve 60 % de la note finale au jury technique contre 40 % au jury dégustation, alors que le Bocuse d’or accorde seulement 30 % à la technique et l’entretien oral, contre 70 % à la dégustation.
Se pose alors la question de leur légitimité.
Pour avoir participé aux réflexions stratégiques sur le concours du Gargantua au sein du « Réseau Restau’Co », j’ai pu rencontrer chez mes pairs des avis divergeant, certains prônant l’excellence, d’autres plus de réalisme. Pour ma part, j’ai toujours pensé qu’un concours devait porter l’excellence du métier. En effet, si un candidat peut réaliser une prestation très haut de gamme, tout en respectant le budget et les contraintes techniques du concours, il a tout à fait la légitimité à être jugé sur sa performance. A la différence des concours de restauration collective, la notion de prix et de coût de revient est très rarement un critère de notation pour les concours gastronomiques. Également, la volonté des organisateurs de la restauration collective tend à valoriser les compétences des candidats en matière d’hygiène et d’équilibre alimentaire.
Le futur des concours culinaires en collectivité est déjà amorcé par certaines nations européennes et asiatiques, qui ont choisi une forme encore plus proche de la réalité, mettant en scène des équipes de 5 agents et un chef pour une production de 100 couverts en self-service et en public. (Comme lors de la coupe du monde des arts culinaires au Luxembourg ou les Jeux olympiques de la cuisine à Stuttgart créés par la WACS World Association of Chef Societies), un format qui pourrait certainement mettre d’accord les défenseurs et les opposants à un concours de MOF en restauration collective.
Pour autant, l’existence même des concours est directement liée aux changements de comportements alimentaires de nos usagés. De plus en plus nomades et exigeants, ces derniers imposent une remise en cause permanente de nos pratiques, de nos politiques d’achats et de nos propositions. La loi Egalim en est à mon sens un bon exemple.
Même si les concours gastronomiques et les concours de restauration collective ont des aspirations souvent différentes, leurs points communs restent les relations humaines, celui qui restera et donne sa noblesse à la cuisine.
Richard Guyomard
Gloire et déboires des concours
Grâce aux résultats obtenus aux concours, Richard Guyomard suscite l’intérêt de ses collaborateurs pour les joutes culinaires. Levier de motivation et de cohésion de groupe, la participation aux concours engendre aussi certains risques et menaces liés aux échecs ou aux réussites de certains (jalousies, frustrations, peur du jugement). Autant de problématiques nouvelles que le chef ou le manager doit anticiper et intégrer avant d’envisager la participation de ses collaborateurs ou la sienne aux concours. « J’ai pu coacher certains de mes collaborateurs, jouant un rôle d’entraineur et de dynamiseur. Cette position de coach m’a permis de prendre de la hauteur et du recul sur nos pratiques et sur les enjeux des concours. Les résultats obtenus ont révélé de belles réussites qui ont renforcé les liens du groupe, mais également des échecs teintés de déceptions ». Après un débriefing et une analyse des résultats obtenus aux concours, l’équipe de Richard a travaillé sur les axes de progrès collectif et les montées en compétence individuelle, afin de répondre au besoin de professionnalisation des agents. Réflexions qui ont débouchées sur la mise en place de stages et de formations professionnelles, autant techniques (pâtisseries, hygiène) que théoriques (communication personnelle, organisation). « Toutes ces expériences m’ont permis de développer des sentiments forts d’appartenance, de solidarité au sein d’une équipe très hétérogène. Ce qui m’a amené encore dernièrement avec l’épisode de confinement à pouvoir tester la capacité du groupe à se mobiliser et s’entraider. En définitive, je peux dire que les concours représentent un bon levier de stimulation individuelle et collective, surtout si le manager a appréhendé cette stratégie avec clairvoyance en intégrant les notions de communication, de solidarité et de préparations mentale et physique ».
Parcours
A l’école hôtelière de Strasbourg-Illkirch, Richard Guyomard obtient un CAP, BEP et BAC pro option cuisine. Après des expériences sur les côtes bretonnes et normandes, il travaille au Great Fosters à Egham (GB), hôtel restaurant 5 étoiles. De retour en France, il effectue son service militaire au Cercle Militaire de Strasbourg, établissement où il officie depuis. Il poursuit sa professionnalisation avec l’obtention d’un BTS en candidat libre et la participation à de nombreux concours culinaires (voir ci-dessous). En 2010, il rejoint l’association Restau‘Co et poursuit de nombreuses formations professionnelles (gastronomie, management, ingénierie). En 2014, il créée le collectif « Chef Art’East », et réalise des dîners dans des lieux insolites (église, palais, caveau, théâtre) sur des thématiques originales : conquête spatiale, cuisine sainte, cuisine monochrome, cuisine « noir et blanc », dîner dans le noir…
Concours Culinaires
- 2017 – PRIX DU JURY CONCOURS « Cuisinier d’avenir » SIRHA LYON L’R DURABLE
- 2013 – Lauréat du concours « EQUIPE 2013 » de la restauration collective PARIS.
- 2010 – 3ème PRIX CONCOURS « Toqueshow Les espoirs de la gastronomie »
- 2010 – Lauréat du « JAVA Food service AWARD » BRUXELLES BELGIQUE
- 2009 – Lauréat de la coupe d’Europe de cuisine collective GAND Belgique
- 2008 et 2010 – Lauréat du concours du Gargantua « Grand Est » et 3ème prix national.
- 2006 et 2008 – Lauréat du concours chef de collectivité EGAST STRASBOURG
- 2007 – Lauréat du concours « Bel’imagination »
- 2005 – Lauréat du concours national Serbotel NANTES
Très intéressant, bravo pour cette analyse qui explicite enfin des critères d’évaluation pour les concours de cuisinie.
S-A M.